nah for real why u so weird
A force de déambuler à droite à gauche, ça faisait un bail que t'étais pas rentrée chez toi - l'air de rien, ça t'fait plaisir de revoir Javeanes, son port mal famé & sa population toujours aussi peu sypathique ; tu t'sens bien au milieu de toute cette dégénerescence. T'observes la valse lente des paquebots qui tour à tour se succèdent dans le port de la baie ; probablement remplis d'pauvres diables qui viennent tenter le rêve américain. Ca t'fait sourire, un peu tristement - pour t'être bercée d'illusions au départ toi aussi, t'as bien fini par comprendre que le rêve n'existe ni ici ni ailleurs ; y'a pas à s'plaindre, mais pas de quoi sauter au plafond non plus. Tu finis par hausser les épaules, exhalant les dernières volutes de fumée d'ta clope - t'as pas envie de t'appesantir sur ce genre de trucs, ce soir ; étonnament, t'es de bonne humeur, & t'as l'intention que ça dure.
T'entreprends de marcher le long de la rade sans trop vraiment savoir où tu vas - la nuit commence à peine à tomber & t'es pas spécialement pressée de retrouver ton minuscule appartement, si cosy soit-il. Tu croises un peu d'tout - des couples éperduement amoureux qui s'font des promesses éphémères tout en regardant l'océan, un groupe de gamin en plein débat enflammé sur dieu sait quel groupe de musique dont t'es déjà trop vieille pour connaître le nom ; & puis toute sorte de gens moins respectables aussi - c'est ça que t'aimes dans ce quartier ; on y trouve tout & souvent n'importe quoi. Certains hochent la tête dans ta direction ; d'anciennes connaissances qui te sont probablement sorties de la tête, depuis l'temps - tu passes devant le bar où t'avais l'habitude d'aider tes parents à dresser les tables ou à nettoyer le comptoir, ça t'arrache un sourire & un pincement au coeur à la fois. Tu te perds dans tes souvenirs & ma foi, ça t'fait du bien.
T'es tirée de tes pensées quelques mètres plus loin à peine, par un type plutôt bizarre qui te bouscule sans ménagement & qui n'semble même pas le remarquer - une chance pour lui qu'tu sois de bonne humeur, sinon dieu sait que t'aurais pas hésité à sortir les griffes ; ceci dit, il n'va pas s'en tirer à si bon compte - on s'refait pas, t'as toujours eu mauvais caractère. Agacée, tu fais volte-face & tu t'apprêtes à l'apostropher avec toute la gentillesse qui te caractérise quand tu remarques que l'imbécile vient, en plus, de faire tomber son portefeuille - décidément, l'mec a clairement pas les pieds sur la même planète que toi. Tu soupires, t'hésites un moment ; tu cracherais pas sur un petit extra en fin de mois, mais c'type là a l'air tellement perdu que ça te ferait de la peine de l'arnaquer - ce serait un peu comme racketter le petit binoclard du lycée, là, celui qui sait même pas s'défendre. Du coup, tu lèves les yeux au ciel & tu te penches pour ramasser l'objet du délit - t'esquisses une moue dégoûtée quand tu t'aperçois qu'il a trempé dans dieu seul sait quoi en tombant au sol ; c'est visqueux ça t'dégoûte & tu t'empresses de rejoindre son propriétaire à grandes enjambées histoire de lui refiler son vieux truc poisseux.
- Eh, vous avez perdu un truc, là, tu lâches platement en lui tapant sur l'épaule sans guère de ménagement. T'hausses un sourcil quand t'aperçois enfin son visage - il est plus jeune & moins dégueulasse que c'que tu l'aurais cru. Puis sérieux, faites gaffe où vous mettez les pieds un peu - un d'ces quatre, vous allez vous faire casser la gueule. Puis soudain tu t'rappelles de la raison pour laquelle tu l'as abordé à la base, & tu t'empresses de lui coller l'objet dégoulinant dans les mains. J'vous rends ça hein allez bonne soirée tu conclus, pressée d'en finir avec ce type visiblement tout droit venu d'un autre système solaire.
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