Non, non, nononononononononononon. Elle ne devait pas lui mettre la pression, le sommer de se bouger, de faire quelque chose. Il allait paniquer. Il ne fallait
pas qu'il panique. Le souffle d'Aleksander accélérait en cohésion avec son rythme cardiaque, alors que les veines de son avant-bras devenaient saillantes, comme si elles l'invitaient à plonger la pointe de la seringue en elles. La voix du Lieutenant-Colonel s'élevait, derrière lui, l'intimant de sortir, pour qu'elle puisse se mettre à bosser. Grognement, alors que ses phalanges fracturaient le carrelage en les heurtant, en proie à un trouble explosif qui le plongeait dans une rage insensée qui n'avait aucunement lieu d'être. Un instant suffit au Germanico-Britannique pour prendre sa décision.
Son être s'embrasa.
*****
Sa présence oblitératrice et bestiale le devança, lorsqu'il franchit la porte, investi de cette arrogante confiance en soi, son visage habituellement élégant de calme défiguré par un sourire en lame de faux, cynique. Ses iris lupins dégageaient cette impériale et obsédante splendeur incompréhensible, qui mêlait la fielleuse malveillance de l'homme à la férocité cruelle et implacable d'une bête, se rivant sur le Lieutenant-Colonel en la clouant sur place comme un vulgaire morceau de viande, les instincts de survie en alerte. H4VØC avait cet incroyable don, de se vêtir d'un manteau d'hostilité auquel il semblait perméable, comme s'il était perpétuellement animé de colère et qu'il choisissait simplement de l'afficher ou non. Son aura oppressante englobait son être comme une nappe de ténèbres indicible, la scène se déroulant comme sous l'eau, alors qu'il brisait la distance le séparant de la femme adossée au mur, qu'il plaquait contre, l'une de ses mains se faufilant dans la tenue de combat de la Ragnarök, alors que ses lèvres... S'apposaient sur son front.
D'un geste sec, il lui arrachait son grappin, s'écartant déjà d'elle malgré la brutalité confiante qu'il avait arboré un instant plus tôt, son faciès toujours garni de cet énigmation rictus mêlant une noirceur insidieuse à une assurance tranchante. Un baiser sur le front, sincèrement ? Déjà, le Britannique pivotait, de sa démarche désinvolte, similaire à celle d'un
dandy auquel le monde appartiendrait, sa démarche lourde et conquérante contrastant affreusement avec le Serveur qui n'avait même pas la volonté de se défendre contre des mécréants au milieu d'une ruelle. La rage viscérale qui rendait son sang brûlant le faisait changer du tout au tout, accompagnée de la drogue qui courait dans ses veines. Déjà, il se débarrassait de son manteau en cuir décharné, en faisant coulisser l'immense baie vitrée qui couvrait l'un des murs de l'appartement, un vent violent l'assaillant aussitôt, pour... Son plus grand plaisir, à en croire la façon dont les commissures de ses lèvres s'arquaient, ses lippes dévoilant toujours plus sa dentition d'albâtre. Son regard fauve débarrassait enfin la jeune femme de la pression qui était exercée sur elle, alors que le tueur en série lui adressait un clin d'oeil espiègle.
Complice. Abandonnant dans la salle de bain une seringue à moitié brisée.
H4VØC : Je te le rends la prochaine fois, honey.Et déjà, il était de nouveau happé par le vide, disparaissant du champ de vision du Lieutenant-Colonel, revivant à l'infini la scène de sa chute alors que les secondes accompagnant la prise de vitesse de son corps réduit à l'état de tas de chair tombant à une célérité croissante le
vivifiait. Oui. C'était le mot. Qu'il avait l'impression de reprendre vie, le sérum dans ses veines, une soif de meurtre amplifiée, sa férocité animale libérée, chutant dans les airs. Traumatisé ? Aurait-il du l'être ? Non. Non. Cette situation attisait son éternelle avidité à propos d'une vengeance qu'il sentait prochaine. Qu'importe son identité, il s'agissait de leur motif à tous les deux. C'était tout ce qu'il leur restait. Dur. Froide. Finale.
La Vengeance.