Il n'y a de danse macabre que quand les os craquent qu'ils claquent et qu'ils s'arrachent ; tu crois que tu ne danses pas vraiment avec B parce que ses cris ne sont pas bombés -ils n'ont pas d'échos ni même de naissances et tu hais ces silences qui ne devraient pas être, ces vides qui veulent crier mais à qui on a enlevé leurs poumons leurs cordes vocales leurs bouches ovales.
Mais tu aimes la résistance dans ses yeux Astrée, peut-être que c'est tout ce que tu as jamais cherché ; mais tu aimes ses ongles enfoncés sous ta peau oh et comme tu aimerais qu'ils déblaient tout qu'ils montrent au monde qu'il n'y a que du coton sous les barres d'acier et beaucoup de mouron sous les illusions d'entièreté. Alors tu saignes, Astrée, avec délice et complice de son mouvement, tu pourrais t'en défaire mais quel intérêt. Quel intérêt.
Et elle rit et toi aussi, derrière tes pupilles vides et tes dents serrées et ton corps apathique ; peut-être qu'elle a raison. Peut-être que tu grognes, carogne charogne ivrogne, mais elle elle s'enfuit et tu n'as plus que des fils d'elle au creux des mains au creux de ses ongles de félin.
Et tu rugis à ta fenêtre ; tu la vois qui s'enfuit -il n'y a, enlacés entre tes doigts, que ses cheveux. Que son odeur tombeur de ce quart d'heure qui file sans état d'âme -tu regardes la rue, là où elle est passée, les gens qu'elle a renversé-, sa tignasse au bout des lèvres. Tu l'embrasses, tu crois ; c'est presque religieux mais elle semblait si peu réelle si peu réelle si idéelle -maintenant elle est là. Elle est là.
Et tu ne sais pas si elle est ta conscience ou ton Némésis oh s'il y a de la constance dans ce qu'il s'est passé s'il n'y avait une quelconque logique mais tu sais qu'il y a de la colère dans ton âme alors tu te retournes après des minutes abandonnées aux statues et tu hurles tu hurles tu hurles encore en lançant ces cheveux -mais ils volent ils volent ils échappent à ta force et tu te sens si impuissante que tu ne la hais que plus ; oh alors c'est tes meubles que tu prends et que tu fracasses, mais qu'est-ce qu'elle te fait faire qu'est-ce qu'elle te fait faire.
Peut-être que ce sont des larmes de chagrins qui apparaissent aux bords de tes yeux ; peut-être de la frustration de la colère de l'envie de l'amour mais est-ce si différent Astrée, est-ce si différent ?
Et quand tu rentres le soir il n'y a plus rien dans ta cuisine ; quelques cadavres de repas à emporter et des bouteilles qui s'empilent mais que veux-tu y faire -et puis il y a ton lit et à côté, juste à côté, cette dernière bouteille encore debout, embrunie de l'ambre de ses restes plutôt que de liquides qui te pourrissent la vie. Comme une présence. Comme un autel, comme pour se rapeller qu'elle est là, quelque part. Que tu n'oubliera pas.
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