YOU TOUCHED ME AND I WAS A LILAC SKY BUT YOU DECIDED PURPLE JUST WASN'T FOR YOU. nemesis&cloud

Les belles rencontres méritent les beaux cadres. La beauté n'est pas quelque chose que l'on trouve aisément, et pourtant, elle est omniprésente dans la nature. Mais, dans le monde des hommes, les choses ne se déroulent pas de cette façon. Les allées de béton, les lumières des feux de signalisation, les vitres glacées des immeubles - il pourrait y avoir de la beauté là-dedans, Cloud le sent, mais c'est beaucoup trop moderne. Opinion dont on ne s'étonne guère de la part d'un homme qui ne porte que les costumes traditionnels - modifiés - d'un pays avec lequel il n'a pas le moindre lien. Cloud aime la beauté simple, nue, qui naît dans le rayon de soleil qui vient illuminer une zone d'ombre, ainsi que la beauté sophistiquée, celle qui jaillit d'une œuvre qui a nécessité des heures de travail, comme les broderies d'un vêtement qu'une femme s'est appliquée à réaliser, ou comme la posture que l'on s'efforce d'avoir après des heures d'entraînement. Cloud s'efforce de concilier les deux, et la triste vérité s'impose à lui : il ne trouvera rien de tout cela à Equilibrium même. Il lui faut sortir des murs, se rendre dans un endroit qui conserve une part de nature tout en étant aménagé pour être agréable.
Mais, au fait, pourquoi Cloud se donne-t-il tant de mal ?
Parce qu'il croit en ses idéaux. Qu'il espère pouvoir transmettre ses espoirs à la nouvelle génération. Oui, Cloud rêve. Cloud espère que la justice triomphera un jour dans ce bas-monde. Drôle d'idée, quand on y pense, de la part de quelqu'un comme lui, qui semble si bizarre que l'on a bien du mal à déceler une trace d'altruisme en lui. Cloud croit en l'avenir. Et il pense sincèrement que c'est son gang qui sera en mesure de donner à Equilibrium la meilleure impulsion possible, en favorisant l'insertion des étrangers dont la culture le fascine tant. Voilà pourquoi Cloud se dévoue totalement à sa tâche et s'efforce de grossir les rangs de son gang. N'importe qui ne fait pas l'affaire. Nemesis, en revanche, l'intéresse. Parce qu'elle a l'air d'avoir un passé sombre, et que ce genre de personnes a toujours intéressé Cloud : il sait ce que c'est. Il n'en est jamais sorti indemne... mais justement. Il est bien placé pour savoir que cela peut produire des choses fort intéressantes : n'en est-il pas l'exemple ? Cloud se dit que quelqu'un comme Nemesis peut vraiment contribuer à son gang. Manque de bol, elle est rattachée à l'ouest.
Toutefois, il ne perd pas totalement espoir.
Il a conscience que son appel a pu l'interpeller. Lui demander de le rejoindre en dehors de la ville, à proximité du golfe du Mexique, c'est assez étrange en soi. Mais pas tant que cela, si l'on considère la façon dont Cloud se comporte. Il ne semble pas considérer que se rendre à distance nécessite une certaine organisation : lui y va, et il improvise. Enfin, son improvisation est relative, car tout, dans ses actes, est guidé par la volonté de faire quelque chose de beau, qui éblouira Nemesis. Peut-être pas assez pour la convaincre de se faire recruter de suite ; cela dit, l'idée pourra faire son chemin dans son esprit. Peut-être se dira-t-elle que ce gang aurait beaucoup à lui apporter. Surtout avec un recruteur avec la personnalité de Cloud.
Il l'accueille, donc, une demi-heure avant le coucher du soleil. Cloud se tient sur un petit ponton qu'il a aménagé exprès pour l'occasion : beaucoup de récupération, mais aussi un peu de neuf, tiré dans ses économies - ce n'est pas si coûteux que cela dans le fond, même son salaire aurait pu lui permettre de couvrir les faits. Cloud n'est pas très attaché à son argent, il n'a pas l'habitude d'en avoir, et il le dépense en conséquence. Le rendu est assez simple : une table, deux chaises, un petit lumignon électrique, de la vaisselle en porcelaine et quelques plats couverts et frais. Tout autour, le silence et le bruits des vagues calmes venues mourir sur la plage. Cloud apprécie le calme. Pour l'occasion, ses cheveux sont relevés dans un entrelacs complexe de mèches roses, et son kimono est entièrement doré, cousu de noir et d'argent. Un filet d'or (ou du moins, évoquant l'or) couvre une partie de son crâne et vient sombrer sur son sourcil. Cet apparat semble fragile, en équilibre instable ; et pourtant, rien ne bouge quand Cloud, à l'arrivée de la jeune fille, se fend d'une courbette galante.
« Surprise ! Alors, dis-moi, tu t'attendais à cela ? C'est moi qui ai tout préparé, qui plus est. »
Cloud, mauvais cuisiner ? Peut-être allez-vous devoir revoir un de vos préjugés. Cloud a passé toute sa jeunesse à préparer ses propres repas, et même s'il n'a jamais fait de la grande gastronomie, il s'est efforcé de faire quelque chose d'équilibrer et d'agréable en bouche. Bien sûr, manger pour le plaisir a été pendant longtemps un concept un peu difficile à appréhender ; mais avec sa femme (paix à son âme), il a fini par découvrir que c'était plutôt appréciable de ravir ainsi son palais. Il tire l'une des choses, celle qui est recouverte d'un tissu bleu, assorti à la chevelure de Nemesis.
« Assieds-toi, je t'en prie. » : propose-t-il d'un ton doux et amène.
Et la façon dont il s'exécute est encore une fois pleine de grâce et de délicatesse - c'est ce qu'il y a de fascinant, chez Cloud.

Cloud est plutôt fier de son effet. A ses yeux, c'est une réussite. Comment ne pas être convaincu que son gang est le meilleur et a beaucoup à proposer à ses membres lorsqu'on voit une telle profusion ? On comprend un peu mieux comment Cloud peut se montrer réellement efficace dans sa position de recruteur : c'est qu'il ne recule tout simplement devant rien. Bien sûr, il ne sort pas le grand jeu avec tout le monde. Il le fait avec Nemesis parce qu'il sait qu'ils s'entendent bien, et qu'il peut l'intéresser en se montrant grand prince. Alors il le mérite, son compliment et son baiser sur la joue. Il attend de la voir assise avant de s'installer en face. Pour le coup, il avait une attitude qui n'avait pas grand-chose de féminin. Une femme n'aurait pas vraiment de raison d'être galante envers une autre femme, on qualifierait son attitude autrement. C'est dans ces moments-là que l'illusion dans laquelle Cloud s'enferme vacille légèrement. Comme si l'on prenait tout à coup conscience du corps qui se cache sous le vêtement efféminé, un corps dur et musculeux comme celui d'un homme ; assez mince, il est vrai, mais n'ayant de la finesse des femmes que la forme longue de ses bras et de ses jambes. Et pourtant, à nul moment Cloud n'a manqué de lâcher de son masque. Il se contrôle parfaitement, pose ses avants-bras avec délicatesse sur la table, en veillant à ce que les manches ne traînent pas sur son chemin, et à ce que ses coudes ne soient pas posés, ce qui serait le comble de l'incivilité. Son visage est rayonnant et apaisé à la fois. Comme s'il était assuré de ce qu'il faisait, qu'il ne se posait pas la moindre question. Peut-être Nemesis devrait-elle s'inquiéter d'une telle attitude. Qu'elle se rassure, cependant : Cloud ne fera aucune tentative ce soir. S'il parlera du Sud, ce sera avec sa délicatesse coutumière, en lançant une allusion dans un contexte foncièrement positif. Rien de plus. Il pense sur le long terme. Essaie d'envisager ce qui saura marquer son esprit, et insinuer le doute dans son cœur.
Elle, pourtant, l'a mentionné. « Membre du Sud », voilà comment elle le désigne, et Cloud retient un sourire. C'est que sa petite réception semble avoir exactement l'effet escompté.
« Voyons, ma chère, ce n'est là qu'une petite réunion amicale entre amis. » : rétorque Cloud de sa belle assurance.
Il insiste sur le dernier mot moins dans une volonté de pointer du doigt son erreur que de faire de ce qu'il affirme une vérité. Un membre du Sud et une membre de l'Ouest peuvent-ils vraiment être amis ? c'est une question plus profonde qu'il y paraît au premier abord. Dans le fond, peut-être que Cloud croit que non. Peut-être est-ce pour cela qu'il essaie de la convaincre de le rejoindre - de les rejoindre, faudrait-il dire pour se montrer précis.
« La preuve, il n'y a pas même pas d'apéritif ou d'entrée, souligne-t-il avec modestie, comme pour prouver que ce n'est pas grand-chose, ce qu'il propose - le cadre joue beaucoup. Mais tu veux peut-être boire quelque chose ? J'ai plusieurs vins, choisis celui que tu préfères. »
Le vin parce que c'est le cliché, parce que c'est le cliché, parce qu'il ne pouvait pas trouver mieux pour l'impressionner. Ça vaut toujours mieux que de l'eau ou du Champomy, en tout cas. Bien sûr, on pouvait aussi envisager l'option champagne, mais là, ça coûtait un peu trop cher. Et puis, tous les vins ne sont pas nécessairement coûteux. Il suffit de trouver la perle rare, dont le goût est agréable tout en étant abordable. Et soyons honnêtes : Cloud a des connaissances qui lui sont parfois bien utiles, et qu'il peut solliciter quand il en a besoin.