snack attack| Attila & Zephyr

L’un des avantages à être dans le passé, autre que de ne pas devoir fuir des robots sanguinaires, c’était que la « cuisine de grand-mère » prenait tout son sens. Si Zephyr gardait un souvenir ému de la nourriture de son aïeule, il avait trouvé quasiment mieux dans le passé. Le même gout, teinté de nostalgie, sans les joues pincées ou les embrassades trop humides. La perfection. Incarnée dans un plat de nouilles. Mais attention, pas n’importe quelles nouilles, non, celles de son plat de ramen au porc, épicé comme il le fallait. Ca faisait remonter les souvenirs, définitivement.  Dans le grand mix d’origines qui composaient Zephyr, il y en avait des japonaises, comme certains traits de son visage pouvaient en témoigner, ou plus encore, son nom de famille. Mais si vous pensez vraiment que je vais vous le dire comme ça, vous vous mettez la baguette dans l’œil.
Aussi, le visiteur du futur allait assez souvent à Chinatown pour aller dans les restos japonais, dans les mini-échoppes collées le longs des ruelles, à moitiés cachées par des rideaux. Il était certain que ça aurait été encore mieux si le lieu se nommait Nipontown, mais malheureusement, ce n’était pas le cas. Tant pis, on ne pouvait pas tout avoir.

Tandis qu’il slurpait tranquillement son troisième bol de ramen (ce qui constituait son premier vrai repas en deux jours), Zephyr remarqua enfin la personne qui s’était posée à une place de lui dans la petite échoppe. En fait s’il avait vraiment mit du temps à reconnaitre le jeune homme à ses côtés, c’était tout simplement car il en gardait un souvenir assez particulier. Plus précisément sans aucuns vêtements. Ce qui n’était pas vraiment le genre de souvenir désagréables. Toutefois, si on remontait un peu les faits, la personne à ses côtés, qui possédait un nom d’envahisseur, avait aussi, à l’époque, envahi le portemonnaie de Zephyr. C’était une erreur de sa part, il ne s’était pas renseigné sur les tarifs des travailleurs du sexe au 3ème millénaire, avait clairement surestimé ses capacités à gagner vite de l’argent lors de ses premiers temps ici et  s’était retrouvé ruiné après une nuit forte intéressante certes, mais ruiné quand même.  Néanmoins, ce n’était pas la capacité à vider des économies de son vis-à-vis qui intéressait Zephyr à ce moment, mais plutôt les autres capacités du jeune homme ; après tout, cela faisait un peu plus d’une semaine que Zeph n’avait pu profiter des délices qu’offrait le sexe, et une semaine, c’était long. Donc quitte à avoir une vieille connaissance dans le domaine à ses côtés, autant en profiter.

Il fit un petit signe au cuisinier, avant d’annoncer, d’une voix assez claire ; « je prends la commande de ce jeune homme sur ma note », puis de se tourner, un sourire charmeur peint sur le visage, une lueur dont le sens était sans doute particulièrement claire dans les yeux, vers la personne à qui il offrait pitance ; « Ca alors, Attila, je ne m’attendais pas à te retrouver ici, je peux te dire-tu n’est-ce pas ? Après ce que nous avons partagé, cela me semble la moindre des choses. Quel bon vent t’amène ? » Ok, c’était particulièrement bateau, mais Zephyr  (qui remerciait sa mémoire des noms) était une personne possédant tout de même quelques manières et qui, le plus souvent, ne sautait pas directement à la question du sexe, enfin, ça pouvait bien attendre cinq minutes quoi.

S’il y a bien une chose qui résistait au passage du temps, c’était les techniques de séduction. Enfin si, ces dites techniques étaient portées disparues à l’époque d’où venait Zephyr étant donné que les robots ne connaissent rien à l’amour, surtout quand ils sont programmés pour tout tuer. Que ce soit par des paroles suaves ou des gestes calculés, ceux qui avaient une idée bien précise en tête savaient parfaitement comment parvenir à leurs fins. D’autant plus quand ils étaient des professionnels de la chose, ce qui était indéniablement le cas du jeune homme qui était désormais à ses côtés.
Sans pudeur aucune, Zephyr se permit de le dévorer du regard. Après tout, si tout se passait comme prévu, il allait pouvoir faire bien plus dans la continuité de la soirée. Un petit sourire naquit sur ses lèvres quand l’autre mentionna ses pensées sur sa personne. De passage à Equilibrium ? C’était une manière assez originale de voir les choses. En effet, Zeph était de passage. Dépendamment de comment on voyait le temps, il pouvait disparaitre à tout moment. Si le temps était linéaire, et que quelqu’un réussissait, par une raison quelconque, à éliminer la menace robot du futur, alors Zephyr n’aurait jamais eu à remonter le temps et donc à se trouver dans le passé. Il disparaitrait alors instantanément, tout comme sa présence à travers les mémoires. Après tout, c’était comme s’il n’avait jamais existé.  Zephyr n’aimait pas trop cette manière de voir les choses, le temps cyclique était porteur de trop de paradoxes. Mais penser à ce genre de débats n’était pas exactement ce qu’il avait en tête ce soir, loin de là.

Son sourire toujours gravé sur ses lèvres, il se pencha légèrement vers Attila « Je t’offre un verre ? » c’était une question rhétorique, car il commanda immédiatement deux sakés. Parfait pour digérer tranquillement et pour laisser l’euphorie monter doucement. Heureusement qu’il tenait bien l’alcool d’ailleurs, car si certains de ses gênes japonais avaient pris le dessus sur ce point, il aurait roulé sous la table dès le premier verre. Mais ce n’était pas ce qui se passerait, et grand bien lui faisait. « Je ne suis pas exactement de passage, disons que je suis un résident semi-permanant. Un grand voyageur.  Un aventurier. » C’était une bonne manière de se définir ; après tout, il y avait-il plus grande aventure que celle du temps ? « Je crains ne pas t’avoir laissé une excellente impression la dernière fois, disons que j’avais la tête ailleurs, je revenais de voyage. J’espère pouvoir avoir l’occasion de me rattraper. » Dit-il en laissant glisser une de ses mains sur la cuisse de son vis-à-vis. En effet, Attila avait été son premier coup dans le passé, et Zephyr s’était surtout intéressé aux manières de faire au 3ème millénaire. On était passionné de l’époque où on ne l’était pas. Mais à y repenser, cela avait sans doute été étrange pour l’autre parti impliqué dans l’affaire, et l’égo masculin de Zeph désirait ardemment montrer de quoi il était vraiment capable. Il était un homme comme un autre après tout.

L’égo se flatte et se rassure. Et celui de Zephyr était flatté et rassuré. Ça fonctionne comme ça un homme, après tout. Il suffit qu’il soit un peu attentif ou pointilleux sur ses performances pour se vexer ou se glorifier d’un rien. Et les propos d’Attila étaient rassurants et doux à entendre. Bien entendu, Zephyr ne pensait pas qu’avec la partie basse de son anatomie et avait encore moins besoin d’être rassuré quant à ses performances sexuelles. Il savait ce qu’il en était et s’en trouvait pleinement satisfait. Toutefois, les circonstances étaient particulières, il avait un jeu de charme, et Zeph n’avait aucun problème avec ça. Qu’il était agréable de séduire et de se faire séduire. Il n’y avait rien de mieux, si ce n’est le sexe, bien entendu. Le jeune homme en face de lui était terriblement attirant, Zephyr se sentait poussé vers lui sans trop en comprendre la raison, et ce dès la première fois. L’attraction était toutefois quelque chose de naturel, et Attila était très attractif, il n’y avait sans doute rien de plus à creuser.

Et voilà que le jeune homme reprenait ses propos, les changeait, y répondait, prenant définitivement sa place dans leur danse de séduction. « C’est un défi ? » murmura-t-il en rapprochant son visage de celui d’Attila « je serais ravi de le relever » ses lèvres frôlaient l’oreille du jeune homme, et la voix de Zephyr était plus basse, rendue plus rauque par le plaisir. Il saisit, juste un instant, presque à peine, le lobe entre ses lèvres avant de reculer, de revenir à sa place, un grand sourire traversant son visage, les yeux brulants, la main appuyant un peu plus sur la cuisse de son vis-à-vis. Il avala son verre de saké d’un coup, l’alcool coulant le long de sa gorge, en une vague chaude qui venait accorder son corps avec la chaleur de son esprit. Il passa une main dans ses cheveux avant de s’accouder au comptoir du restaurant. « Après, je pourrais aussi te laisser faire, j’ai passé un très bon moment la dernière fois » C’était parfaitement sincère, bien entendu, la flatterie était dosée, mais Zephyr ne mentait pas, les souvenirs qui flottaient dans son esprit lui donnaient vraiment envie de tout recommencer. « De toute manière, on a toute la nuit non ? »

Il fit glisser une carte de payement sur le zinc. Et là, vous vous dites, mais comment Zephyr, qui n’a jamais un rond, peut-il payer ? Et bien sachez-le, mais il n’est point honnête du tout. Comme il n’a pas envie de dormir dans la rue, un sonne aléatoirement chez des gens, qu’il endort, avant de profiter de leur domicile et frigo, et souvent, il repart même avec de l’argent. Quand les personnes se réveillent, ils pensent avoir rêvé, et Zephyr continue sa vie de bohème en pouvant manger et baiser, l’essentiel quoi. La petite parenthèse étant finie, et le payement fait, il récupéra la carte (il la donnerait gracieusement à Attila à la fin de la journée, comme payement et pour continuer son image de  riche mécène), il se leva de son siège et attrapa la main d’Attila, et y déposa un baiser dans la paume, avant de la garder dans la sienne « Alors, on y va ? »