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Il n’est pas tout à fait 18h lorsque tu entres dans le magasin de Gordon. T’as l’air fatigué Jesse, mais t’as toujours ton éternel sourire enjôleur. Tu t’empresses de saluer ton vieux pote - sens figuré et propre compris. Il a fêté ses cinquante-six ans hier, et t’en as profité pour te saouler une énième fois. D’où ton air fatigué ?
Tu t’assieds au comptoir, parles de banalités, des meufs que vous avez baisé, de la nouvelle guitare qu’il a rentré, du piano mal accordé. Les minutes filent et défilent et arrive enfin le moment tant attendu - la principale raison de ta présence. Il te rend les cent dollars que tu lui avais prêté une semaine plus tôt. Direction banque et compte épargne ? La blague.
T’écourtes votre entre-vue, réajustes ton chapeau noir et ressors dans la rue. Tu vas dépenser ton fric dans les bars - comme à peu près à chaque fois que t’en as dans les poches. Il ne te manque que Félix pour entamer la soirée comme il se faut. Il bosse, il glande ? Tu t’demandes. Tu sors ton téléphone, lui envoies un sms bref « fais toi beau gosse, on sort, j’ai des thunes ; rdv dans une heure devant le pub O’Brady »
Pas besoin de te presser, tu te mets en route tranquillement. Une clope coincée au bec, les mains dans les poches, le col de ton blouson d'cuir bien ajusté. T'es toujours prêt toi, pas vrai ? À croire que t'es né pour être beau, mais seulement beau pour draguer - t'es laid pour le reste.
Tu fais un arrêt express' dans une supérette, t'achètes un sandwich et passes la demie-heure qui suit à le manger devant le pub. Après quoi tu entres, t'installes à une table au plus près du barman - que tu connais que trop bien - et commandes une pinte de Guiness. C'est qu'il faut que tu honores les lieux, à juste titre irlandais. Entre la musique, la décoration et les habits des serveuses, on se croirait presque à Dublin.
T'es pas le roi de l'attente et de la politesse - boire sans que ton complice soit là, c'est fait coutumier... Lorsqu'enfin il arrive, ton sourire s'élargit, tu écartes les bras et lèves ton verre à son adresse. Enfin ! Mec j'espère que t'as congé demain, j'compte te faire prendre cher ce soir ! Tu reprends séance, le reluques rapidement. Ça va, journée cool ?
Felix Löfgren
2016-08-08, 23:47
tomorrow never dies
musique – Fais-toi beau. Mais quel enfoiré, comme si j'avais besoin de le faire. Je le suis naturellement. Toujours. En toute circonstance. Ok, des fois aux toilettes c'est pas du propre (ma tête hein) (enfin) (voilà). Y A QUOI J'ESSAYE DE ME RASSURER MON PSY A DIT QUE C'ETAIT BON POUR LE MORAL DE SE VALORISER. JE VOIS PAS DE PSY. JE SAIS. J'AI PAS ASSEZ DE DRAMA DANS MA VIE POUR CA. PUTAIN. Dans mes fantasmes je suis un brun ténébreux addict aux drogues dures, qui ne pleure jamais et qui voit le sang couler depuis ma plus tendre enfance et paff ça fait un emo. À la place je suis né blond, les yeux bleus et pas aryen bande de malades et avec tout le bonheur du monde. C'est vrai. Je passe mes journées à sauver les chats des mamies coincés dans les arbres du voisinage............. une vie palpitante en soit.............. parfois c'est elles que j'aimerais percher sur une branche...... merde à ce siècle on pourrait croire que la sélection naturelle soit plus efficace MAIS NOOON. Va falloir que j'aille dire à la petite vieille aux cheveux roses que son chat ne se perd pas il la fuit juste – elle sent le suppositoire aussi, tu m'étonnes.
Je me regarde un instant dans le miroir de la salle de bain. Je suis pas si beau que ça, finalement. J'ai même pas la force de sourire, des cernes qui m'arrivent jusqu'aux aisselles (oui) et une coupe de cheveux conceptuel. Je me passe un coup d'eau sur le visage et file jusqu'au lieu de rendez-vous. J'suis pas un grand fêtard – j'ai pas l'temps, j'travaille moi pas comme l'autre squatteur professionnel BABY SITTER DE MES COUILLES LA, alors j'prends plus le temps de déguster un moment de pause de la sorte. J'apperçois la tête bleue à l'autre bout de la salle et m'en approche les talons traînant au sol.
« Des chats. Toujours. Des. Chats. »
Je me laisse tomber lourdement sur la chaise en face de lui. Je n'ai pas vraiment besoin d'expliquer la situation à Jesse, il ne connaît que trop bien mon quotidien héroïque à sauver ces bêtes de Satan à longueur de journée – en témoignent les griffures sur mon bras (encore une fois j'aimerai donner un contexte badass pour pécho une nana du style je me bats dans la rue, je me suis fait agresser, j'ai combattu un ours, ce genre de truc mais. Mais ça marche jamais. Parce qu'il y a toujours Jesse derrière. Toujours)
« Laisse moi deviner. T'as déjà tout claquer et c'est moi qui vais devoir payer ? je finis par hausser un sourcil, plus dépité qu'agacé connaissant très bien les mauvaises habitudes de mon coloc. En fait non. Ne dis rien. Boire. J'vais boire. »
J'attrape le premier verre qui s'interpose sous mon nez et en bois une gorgée. Puis, deux, trois. ALLEZ CUL SEC MA G-
J'ai bu la tasse. Ca va. CA ARRIVE A TOUT LE MONDE NON ??????
Je m'essuie le coin de la bouche.
« Non. Ta gueule. Ne ris pas. Ou j'te nique ta race. »
Tu éclates de rire, frappant la table du plat de tes mains, pute que tu es. Tu te lasseras jamais de rire des malheurs et de la misérable condition de Félix - et ça se dit meilleur pote ? Tu manques de t'étouffer, tu devrais tiens. Faute de quoi tu commandes plusieurs verres d'un coup et t'allumes une clope, cherchant - paradoxe - ton souffle taffe après taffe.
Il a l'air épuisé, tu devrais peut-être le ménager ce soir ? Être moins salaud ? Ouais, p'têt. Sinon il te "nique ta race". Genre, t'esquives encore plus vite qu'il ne fait de gaffes : pour vous dire ! Mec, tu me vends du rêve, comme d'hab. Tu le reluques un peu, te retiens de pas pouffer. Ça devient nerveux.
Et avec tous ces chats que tu sauves, t'as jamais réussi à te chopper une vieille ? Mec, ressaisis-toi voyons ! Tes lèvres s'étirent, s'étirent... NON. Arrête toi ! Stop ! "Oh Monsieur le pompier, sortez moi votre grosse lance, je suis en âge, ouh lalala" "Oh oui Geraldine, fais ta p'tit coquine !" Trop tard, tu te marres de nouveau, t'en chiales.
Le simple fait de l'imaginer se faire laver la face avec une langue d'ancêtre, ça te fou un artifice dans le ventre. Il te faut bien une minute pour te calmer. T'es vache quand même, enfin bon, t'es toi quoi. T'écrases ta cigarette dans le cendrier, finis un de tes verres d'un trait, en entames un autre. La soirée fait que commencer, pas vrai ?
Et pour ta gouverne, j'ai gagné du fric aujourd'hui ! / non, t'as rien gagné, mais c'est cool de prétendre le contraire, pour l'ego tout ça / C'est moi qui t'invite, eh ouais. Ouais c'est super rare, ouais c'est limite à marquer d'une croix rouge dans le calendrier. D'ordinaire, tu organises, il raque - et c'est quasi tout le temps comme ça. Ça te pose pas de problème, même si ça le devrait... FAUT-IL ENCORE ÊTRE POLI ET GENTIL, ET PAS ÉGOCENTRIQUE ET P'TIT CON.
D'un certain côté tu te rachètes un peu là, si, si. Tu souris, balayes la salle du regard. Ce dernier s'arrête sur un duo de jeunes filles plutôt jolies. Tu donnes un coup de pied dans sa chaise histoire qu'il capte ce sur quoi ton attention se rattache. Mieux qu'une grand-mère, mh. Ça fait combie de temps que t'as pas baisé déjà ? Du grand Jesse, bientôt à l'oeuvre...
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