La première fois que Neith s’est arrêté devant cette fleuristerie, c’était parce qu’un magnifique bouquet de fleurs d’un dégradé de violet ornait la vitrine, et qu’il crevait d’envie de l’acheter pour l’emmener chez lui. Le souci c’est que ce jour-là, Néfertiti fuyait un certain chef de gang.
La seconde fois que Néfertiti s’était arrêté devant la fleuristerie, c’est parce qu’il s’était souvenu du magnifique bouquet, et qu’il avait envie de rafraichir un peu la décoration de son appartement dans l’éventualité où il y emmènerait une nouvelle conquête. Lorsqu’il était arrivé devant la vitrine, une paire de grandes mains agiles et tannées prenaient le bouquet aux teintes violettes, pour l’emmener loin des yeux de Neith. Mais Neith n’avait alors plus d’yeux que pour le vendeur, un homme brun aux yeux doux et au sourire qui faisait se répandre une douce chaleur réconfortante le long des membres agités de l’égyptien. Ce jour-là, Néfertiti avait acheté une simple rose, juste pour pouvoir entendre la voix de l’homme, juste pour pouvoir poser son regard dans le sien, juste pour mériter l’un de ses sourires et l’entendre dire « A bientôt. »
Les onze fois suivantes, Néfertiti s’était simplement planqué dans le petit café d’en face, les premières fois avec des lunettes de soleil et un chapeau, pour venir regarder l’homme manipuler les fleurs et les clients avec un charme à couper le souffle.
Ces derniers temps, il faisait beau, et Néfertiti avait laissé tomber les lunettes et le chapeau. Les gens du café le regardaient bizarrement, de toute façon, qu’il les porte ou pas.
Ca ne ressemblait pas vraiment à Neith de laisser tomber ses préoccupations aussi facilement, que ce soit sa mission ou ses photos de chats. Baisser sa garde de cette façon, juste pour le regard chaleureux d’un inconnu… Ca ne lui ressemblait pas.
Aujourd’hui, Néfertiti allait oser rentrer à nouveau dans la boutique, il allait oser lui parler, à cet homme dont il ne connaissait toujours pas le prénom – et ça aussi c’était inhabituel pour Neith, de ne pas tout savoir sur ses interlocuteurs.
Il prit une profonde inspiration et quitta le café, se dirigeant d’un pas assuré jusqu’à la boutique, mais une fois devant la vitrine, une fois son regard posé sur le fleuriste, son corps se paralysé et il resta coincé là, les yeux écarquillés. Il n’avait aucune idée de ce qui lui arrivait, et surtout, ça ne lui était jamais arrivé avant. ‘Ne me dis pas que tu flippes…’ Il se dit à lui-même, et avant qu’il ne puisse faire un pas en arrière comme pour s’enfuir en courant, la porte de la boutique s’ouvrit doucement, dévoilant le bel homme aux grandes mains. Neith déglutit et ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n’en sortit.
FT ASMAR | EPICODE