r u kidding me // ken

Parfois il y avait des journées un peu ennuyantes.
Oh, plutôt qui ne sortaient pas de l'ordinaire, parce quoi toi, Somnifère, tu ne t'ennuyais jamais vraiment. Rien que courir comme un dératé sur quelques toits ça te rendait heureux à en crever -bénis soient les simples d'esprits. Au moins, ton humeur était toujours au beau fixe quand tu venais et partais du quartier général -et oh, on savait bien que tu apparaissais très tôt et que tu disparaissais très tard. Ce n'est pas vraiment quelque chose de triste dans ton cas, de dédier la plupart de sa vie à son travail.
Parce que ton travail, en quelque sorte, c'est d'être libre. Insaisissable.
Bordel ce que c'est cliché ; bordel ce que tu t'en foutais.
Et les courses s'enchaînaient, et tes baskets s'usaient, et tes bleus guérissaient -te revoilà dans le ventre du monstre qu'était devenu le Valhalla, encore à insulter ton Odin parce que Morgan abuse, c'est pas juste de comparer vos cheveux alors que tu venais de courir pour une matinée ENTIÈRE et que lui ne foutais rien d'autre que poser son cul même pas rebondi sur sa chaise à roulettes. Injustice, vous dit-on.
Bref. Tu vas à ton casier, change de chaussures et de t-shirt, passe un coup de déodorant pour enfin t'accorder ta petite pause repas. (Spéciale dédicace au moment gênant où tu sors le reste de soupe que Morgan t'avait laissé le lendemain et que tu la caches parce que t'assumes absolument pas)(mais elle est bonne bordel) Tu finis de manger, vole un biscuit qui traînait sur la table de tu-ne-sais-qui -mais il te pardonnera pour sûr- et tu vas faire chier un peu ton monde en attendant de digérer -on sait tous que c'est mal de courir quand on vient juste de manger.
D'ailleurs, PERSONNE ne va te forcer à courir, non. Qui ferait ça, voyons.

SALUT C'EST COOL, J'KIFF TON BOULE
Kenny, quand i'regarde la télé, c'est pas pour se cultiver, ah ça non ! C'est que son cerveau est déjà si développé, m'voyez, qu'il a besoin de s'abrutir pour être au niveau du commun des mortels.

C'est le genre d'excuse à chier qu'il vous sortirait si vous le preniez sur le fait de mater South Park ou Louis la Brocante.

Si je vous dis ça, c'est par c'que Monsieur regarde justement South Park, bien affalé dans son fauteuil, pieds sur le bureau, bière en main droite, clope en main gauche et bol de chips sur le bide. CLICHÉ mais cliché confirmé...

Il se fendait littéralement la gueule, crachant quelques postillons et miettes sur des dossiers et feuillets de mission... IL EST BEAU LE BOSS DU VALHALLA. En même temps, difficile de garder son sérieux face à un Cartman aux insultes toujours plus croustillantes...

Il en venait même à fredonner musicalement les "Enculés" et "Va t'faire foutre gros lard", prenant sa clope pour un micro. Encore une fois, notre cher Kenny démontrait ô combien il était sérieux, digne, classe, une classe d'aristo, une classe royale, que dis-je, impériale ! Ok j'extrapole.

Après deux autres épisodes, il se décida à bouger, laissant le moule de son fessier en souvenir à son fauteuil. Le truc c'est qu'il n'avait pas grand chose à faire, et pas grand chose c'est peu dire : il s'faisait chier. Tous les membres du Valhalla étaient en mission... Tous ?

Non ! Un IRRÉDUCTIBLE IMBÉCILE venait en fait d'en finir une. C'est en se rendant dans les vestiaires que Kenny l'aperçut, tâchant de l'espionner du coin de l'oeil sans se faire voir.

PAF, une idée germa dans son esprit. Une idée brillante, lumineuse, une idée de génie !! En langage Kentalop cela équivaut à : une idée de merde, une idée de con. Sans prendre le temps d'évaluer à quel point la dite idée s'avérait monstrueusement bête, il s'élanca vers Somnifère.

Prenant son air le plus sérieux et mélodramatique possible, il se saisit des épaules de son ami, le secouant comme un pommier.

- DIEU SOIT LOUÉ TU ES LÀ ! JE DÉSESPÉRAIS !

M'sieur fit style de reprendre son souffle, continuant de secouer le pauvre malheureux - limite on aurait dit un vibromasseur t'sais.


- LE ROI DU PARADIS DES SINGES DANS LE CIEL M'A CONTACTÉ ! ILS SONT EN DANGER ! LES FANTÔMES DE BERNADETTE CHIRAC ET SADAM HUSSEIN PRÉPARENT UNE OGIVE NUCLÉAIRE POUR BOMBARDER LEUR ROYAUME ET S'EMPARER DE LEURS BANANES MAGIQUES !

Kenny se retient de pouffer de rire - chose difficile, si bien qu'il en devenait rouge. Bah, ça pouvait à quitte ou double faire genre qu'il est super stressé et tout.

- IL FAUT LEUR DÉLIVRER UN MESSAGE, UN CODE SECRET POUR DÉVÉROUILLER UNE ARME ANTI-NUCLÉAIRE !

Poursuivant son jeu stupide, Kenny fouilla l'une de ses poches et en sortit une notice Ikea concernant un meuble à monter mais, osef  - donc écrit en suédois. (Dieu sait pourquoi il traînait une notice d'Ikea dans sa poche)...

Il l'agita sous le nez de Somnifère, cessant ENFIN de le secouer dans tous les sens.

- PRENDS LE MESSAGE MON FRÈRE, SAUVE LES SINGES DU PARADIS DES SINGES.

Reprenant un peu plus son calme et un air grave, il poursuivit.

- Pour se rendre dans leur royaume, il te faudra aller au Zoo et contacter l'un des Chimpanzés sur place : il sera ton guide et ton ticket d'entrée ; puis partir avec lui trouver un haut sommet, sauter et t'envoler vers les Cieux !

QUI GOBERAIT PAREILLE CONNERIES JE VOUS LE DEMANDE... Kenny s'en pissait dessus d'avance...

Le fait est que tout le monde savait plus ou moins que Somnifère était débile.
Pas tant que l'intelligence l'avait déserté -bien qu'elle aurait peut-être dû le faire-, mais plutôt comme une crédulité étrange, inverse à celle la plus commune : Alex croyait les mensonges les plus gros et arrivait à déceler les plus fins. Chacun son talent.
MAIS. Elément perturbateur dans ta pause déjeuner qui semblait trop bien se dérouler pour qu'elle soit vraie ; ton boss, que dis-je, Ken, Barbie débarquait en grande pompe. Un peu comme d'habitude -et à chaque fois que tu voyais ses cheveux, tu te jurais qu'un jour, tu te teindrais en roux. Mais pas longtemps, faut pas déconner non plus.
Tu l'regardes. Tu l'écoutes s'exclamer, tu sais pas vraiment quoi penser -il est un peu con, Ken, et pour que toi tu dises ça, c'est quelque chose. Enfin. Qu'est-ce qu'un idiot qui juge de l'idiotie des autres.
Il parle très vite très fort et pas très clairement, Kenny. Tu captes la moitié des mots, essaies de construire quelque chose de logique avec ce que tu as compris -et c'est pas gagné- mais il parle de danger, de nucléaire et de Bernadette, alors forcément, ça doit être du sérieux. T'es un peu sceptique, mais il te convainc avec ce message fichtrement bien codé -il y a des dessins bizarres sur la feuille et ça paraît logique que ce soit le langage des singes. Logique. Tout à fait.
Tu lui arraches la feuille dans un instant de précipitation, y colle ton nez pour essayer de comprendre quelque chose avant d'abandonner en deux secondes -rappelles-toi, Somnifère, ce n'est pas ton rôle, toi, t'es un messager d'une mission très très importante et t'as p a s le droit à l'erreur. Parce que sans toi, tout s'effondre. Hé ouais, si c'est pas cool d'avoir tant d'importance.
OK OK OKOKOK. IL A UN NOM OU BIEN JE CRIE JUSTE BERNADETTE OU OU Le fait est que quand tu piétines sur place, ton cerveau semble trop accaparé par tes jambes pour faire aligner des mots ou même pour assimiler les siens -t'as pas vraiment compris ce que la fin de ses phrases, ou du moins tu l'as entendue sans chercher à y associer des actions. Qu'est-ce que t'es con. Et tu t'en vas en courant, vite et sans bruit.
Euh, attendez.
Tu reviens. Par contre tu m'paies le ticket du zoo. Tu ne pouvais pas risquer de rentrer par effraction et de compromettre TOUTE ta mission. Nah. Pas possible. Et t'es radin, aussi, mais sht.

SALUT C'EST COOL, J'KIFF TON BOULE
Kenny tentait avec tant de force de s'empêcher d'éclater de rire qu'il en était devenu rouge et gonflé, à l'égal d'un ballon de basket. En regardant Somnifère partir puis revenir, il songea au concept d'une couche-anti-pipi-rigolade qui ferait, pour sûr, un malheur sur le marché mais qui surtout lui aurait été d'une grande utilité.

C'est vrai que quand t'as à faire avec un crétin qui gobe une blague d'un autre crétin le tout dans une atmosphère de stupidité, l'expression "pisser de rire" peut prendre tout son sens ; une couche serait l'idéal accessoire logique et glam' qui permettrait un "pissage de rire" en toute sûreté et propreté. Bon. Je ne vais pas non plus faire l'éloge des couches. Faut que j'arrête de tergiverser, sérieux.

Somnifère revenait pas par ce qu'il avait oublié un truc, nan, évidement que nan. Il revenait pinailler le bougre.

- P'tain t'as jamais de fric ou quoi ?

Notre imbécile number one fronçait ses honorables sourcils roux. À chaque fois il doit sortir l'oseille, à chaque fois il ose pas dire non - en fait il se fait trop pas respecter par ses membres, c'te victime, mais pcht, c'est secret.

Ne voulant pour autant ternir l'ampleur gargantuesque, rocambolesque, abracadabrantesque de sa blague nulle, Ken' leva le pif en l'air en prenant ses airs de Matador.

- Je t'accompagne gamin, j'tiens pas à ce que tu te fasses bouffer par un macaque ennemi ou pire, un sbire de Bernadette DÉGUISÉ en macaque...

Descendant d'un cran de son nuage il poursuivit, à peine courroucé...

- Et je paye, c'est ok. Pfft.

Ouais bon, le souhait de l'accompagner révélait juste son envie de se marrer davantage. Quant à l'idée que son acolyte puisse s'attirer des ennuis ou se faire mal, eh bien... elle ne lui avait pas encore effleuré l'esprit !

- Allons maintenant. Ta quête n'attend point, le Paradis des Singes est entre tes mains !

Hop, hop, il entraîne Somnifère à sa suite en le tirant par le bras, offrant au monde sa démarche ô combien spectaculaire et virile de l'homme s'en allant en guerre. On eut plus dit un pingouin venant de se faire caster mais ... mh, ayons pitié, maintenons-nous en à la version du fier guerrier.

Les employés du Zoo auront bien du courage à affronter pareille mauvaise troupe. C'est à n'en pas douter un fieffé  grabuge qu'ils apporteront là-bas...

C'est fou c'que la connerie pousse à faire en son nom et honneur. Mh. Heureux les imbéciles ne dit-on pas ?

Ok, il ne comprenait ABSOLUMENT PAS que tu ne pouvais pas te permettre de risquer une telle mission pour une dizaine de pièces. En même temps, c'était Kenny -tu venais toujours lui faire la manche et le truc, c'est qu'il était assez stupide pour toujours marcher. Alors là. LA. Il était obligé de t'aider. Et puis si tu pouvais racler les centimes ça te convient.
Mais -que de rebondissements- ton honorable chef victimisé va t'accompagner. Toi.
Il y a comme un rire qui s'échappe de tes lèvres, tellement ça semble improbable.
Non, parce que de toute ta carrière, tu as dû voir Kenny se bouger les fesses une ou deux fois seulement -alors le voir courir. Avec le ventre à bière qu'il avait ? Naaaaaan. C'est que ça doit vraiment être super important ces conneries. Enfin. Tu lui fais confiance -qu'est-ce que t'es stupide bordel-, encore plus s'il te dit qu'il va débourser de son argent parce que quand même. Si c'est pas un argument de taille, ça.
Le voilà qui t'entraîne dans son sillage, mais tu le rattrapes vite fait, le dépasse même en un instant -pourquoi t'es si grand, Somnifère. BON, CAROTTE, tu t'bouges les fesses ou il va falloir que je te portes, Barbie ? Ouais, quand t'es stressé t'insultes les gens, c'est bien aussi. Mais devant L'URGENCE de la situation, tu pouvais bien te permettre de victimiser remuer un peu ton chef tout mou -mais s'il vient avec toi, t'es rassuré. Tu te dis que tout ne peux pas être raté, que vous parviendrez à accomplir votre mission.
Qu'est-ce que t'es con.
Eh, carotte. Tu sais reconnaître celui à qui on doit parler, au moins ? Imagine on tombe sur un espion ? Oui, parce que tout le monde sait que les gangs de singes sont infiltrés par des espions prêt à tout pour activer des ogives nucléaires construites sous même le zoo -un peu comme les pingouins qui creusent jusqu'à l'Antarctique dans Madagascar. Le film, ouais. Avec des lémuriens trop cool et un King Julian aussi débile qu'un certain Kenny -il manquait plus que les passages de comédies musicales et, promis, ça le faisait vraiment. Tu notes ça dans un coin de ta tête -pour plus tard, on sait jamais.