special delivery Δ toby

musique – Le ciel d'Equilibrium s'était voilé de son manteau le plus sombre et pourtant la ville continuait de briller de mille feux, une véritable étoile sur terre qui ne s'éteindra peut-être jamais. Tu avais toujours apprécié ce petit coin de paradis pour la haute société, tu t'étais habitué à cette technologie florissante et à cette sécurité constante. Tu avais fait de cette ville aux côtes du Texas ton passage favori parmi tes nombreuses escales. Tu n'étais jamais dans le coin pour très longtemps si bien que tu n'avais ni le temps de te faire construire une demeure, ni le temps de louer un spacieux appartement. Tu logeais dans ton hôtel avant de reprendre ton avion dans les jours à venir pour une nouvelle destination. Ce rôle de directeur te tenait à cœur bien entendu mais il t'épuisait jour après jour, tu avais cette sensation amère de ne jamais déguster chaque instant que tu passes à chaque coin du globe. Dans deux jours, tu devais te retrouver à Singapour. Puis la semaine suivante à Stockholm avant de revenir en Amérique.

Tu t'étais réservé depuis quelques années la suite la plus luxueuse au dernier étage du Romanov Hotel – qui en comptait une soixantaine aujourd'hui. La vue était à couper le souffle, les buildings et le reste de la ville semblaient minuscules. Mais surtout, n'oublions jamais la vue que Romanov Hotel offrait sur la baie.
Tu écrasais ta cigarette contre le rebord de ta terrasse – sur laquelle reposait une piscine dont l'eau semblait fluorescente – avant d’apercevoir une silhouette sombre sur le bâtiment le plus proche. Tu plissais les yeux dans l'espoir de la reconnaître. C'était sans doute le colis que tu attendais.
Tu disposais de beaucoup moins de liberté ici alors te voilà obligé de demander au Valhalla de te livrer des drogues depuis les différents gangs. Un véritable business mais qui t'a permis de ne jamais avoir à te confronter avec les forces de l'ordre. Tu levais légèrement ta main et soufflait :

« Par ici le colis. Vitaly Romanov, c'est moi. »

Tu te reculais de quelques pas et invitait le coursier à atterrir dans tes appartements.

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musique – Tu n'avais même pas eu le temps de faire trois pas en arrière que tu venais de te faire asperger. Tu écartais les bras avec cette expression outrée, figée. Tu le fixais avec ce même dédaignement et l'on en sentirait presque des ondes meurtrières s'en dégager. Tu n'avais rien dit pour le costume, en revanche le paquet flottant joyeusement à la surface de la piscine t'avait bien moins enchanté. Salut, moi c'est Tobias ! s'était-il empressé de déblatéré avec un sourire idiot. Tu claquais ta langue contre ton palet avant de soupirer lourdement, l'exaspération était à son comble. Tu pouvais aussi bien le noyer que l'engueuler mais dans tous les cas, ta frustration momentannée ne risquait pas d'être résolue. Tu avais pour habitude de payer Valhalla pour le service d'Esperanza à laquelle tu faisais confiance pour son efficacité. Et ce soir, on venait de t'envoyer le guignol de l'organisation. Regardez-le avec son sourire benet.
Tu avais envie de le frapper.

Tu te frottait le visage à l'aide d'un mouchoir en tissu – tu ne faisais jamais les choses à moitié, tu étais proprement maquillé et tu refusais de te dégueulasser de suite. « J'en ai rien à foutre. » Tu l'avais lancé sans véritable agressivité, c'était sorti comme un soupir, une exaspération. « Et c'est sérieux ? C'est quoi cette qualité de livraison ? Tes supérieurs vont m'entendre.  »

Tu gardais ton calme – si si, je vous jure – et t'approchais du rebord de la piscine en pointant du doigt le colis. « Et j'suis sensé payer ça ? Bordel. » En temps normal tu aurais été du genre à lui ordonner de te le ramener mais au vu de l'agilité du jeune homme, tu ne préférais pas prendre de risque. Tu te penchais pour attraper la boîte et la reposer sur la table la plus proche. Un couteau suisse dans ta main – vieil héritage offert de père en fils chez les Romanov – et voilà ton cadeau déscellé. On y appercevait quelques sachets de drogues assez différentes et d'aiguilles de bonne qualité, de quoi passer des soirées folles dans la haute société – là où Equilibrium ne pouvait contester.
Tu soupirais une énième fois, de soulagement pour le coup. Rien n'était abîmé. Mais tu restais en colère. Tu tournais tes talons sans crier gare et revenais d'un pas décidé en direction du Valkyrie flottant.

« Qu'on soit clair : ne me livre plus jamais quoi que ce soit. Je refuse d'avoir à te payer pour une qualité aussi dépravante. »

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musique – Le nez fourré dans tes nouvelles acquisitions, tu ignorais partiellement le livreur qui – visiblement – venait de quitter ta piscine. Tu n'étais pas du genre à écouter les gens, peu importe leur statut et leur rôle, votre relation et votre passé. Ton attention vacillait facilement d'un point à un autre tout comme elle pouvait rester focaliser sur quelque chose pendant des heures, et dans ce cas-là c'était impossible de t'en sortir. Pour le moment tu demeurais concentré sur ta marchandise, regardant chaque recoin des différents paquets en prenant garde de ne faire tomber aucune aiguille, aucun sachet poudreux. C'était là la fortune d'une prochaine soirée au sein du Romanov Hotel avec quelques privilégiés. Ou peut-être juste pour toi, par caprice, tu n'avais pas encore décidé du sort de tes nouveaux « jouets ». Mais au moment même où tu te disais qu'il serait temps de lâcher ce paquet et reprendre une conversation des plus virulentes avec ce Valkyrie du dimanche, tu t'étais retrouvé avec un index presque planté dans ton torse. Le type souriait gracieusement, il était amusé, et ça, ça te mettait en colère.
Il n'en fallait pas beaucoup pour te frustrer. Tu avais toujours été un gamin capricieux et malgré ton âge tu restais relativement immature. Et je suis l'un des livreurs les plus qualifiés, alors tout doux, Monsieur.

Tu grimaçais. Pitié qu'il retire ses sales pattes de ton poitrail. Non, tu as une meilleure idée : tu vas le faire toi-même. Tu attrapais son poignet et tu le lui recalais bien contre sa hanche, le regard perçant. « Livreurs des plus qualifiés ? Et pas capable d'esquiver une piscine [i]grande comme trois maisons ? » Ah, il semblerait que tu aies écouté un peu quand même.

« Tu peux t'cirer pour ton fric. Déjà pour la qualité du service mais en plus pour te foutre de ma gueule. Ne parlons même pas du fait que tu oses poser tes sales pattes sur moi, sinon crois-moi la punition serait bien pire. »

Un silence pesant s'installait et tandis que tu le laissais méditer sur la question, tu venais t'accouder contre le rebord du balcon.

« Ne m'oblige pas à appeler les vigiles pour qu'ils te foutent dehors. »

Tu souriais, doucement. Quelque part, tu ne pouvais pas te permettre de faire appel à la sécurité étant donné que cela inclurait le fait de devoir expliquer la drogue étalée sur ta table de terrasse. Tu osais espérer qu'il soit facile à persuader, ça t'éviterait bien des égards.

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musique – Tu avais pourtant appris à répondre à la provocation par la provocation, pas autrement. Et pourtant ce type te faisait sortir de tes gonds, tu voulais lui sauter à la gorge et l'étriper, balancer son corps sans vie par-dessus la balustrade et entendre ses os exploser à l'impact depuis le haut de ta tour d'ivoire. Mais tes pulsions meurtrières, tu les avais enterrées bien profondément depuis toujours, tu contenais ta rage en espérant que cela fasse de toi un homme meilleur. L'ironie du sort, c'est que tu avais toujours été un fruit pourri. Tu ne pourras jamais devenir aussi beau que ton physique ne l'est. Triste destinée.
Le Valkyrie s'était approché à pas de loup de ton colis et avait commencé à agiter un sachet sous tes yeux, fièrement, son nez retroussé à cause de son sourire narquois. Tu le fixais lourdement, les sourcils froncés et l'air incroyablement sévère : tu n'avais pas envie de plaisanter, contrairement à lui. Il n'était peut-être pas si idiot que tu le pensais, il tenait en otage l'un de tes biens les plus précieux tandis que toi tu continuais ton caprice. Tu étais un gamin fier et borné, pas vraiment du genre à plier les genoux face à une quelconque attente de la part d'un individu dont tu ne connais que le nom. Alors de là à le payer...

Si tu veux mon joujou il va falloir venir me le prendre. Ok, c'en était assez pour te mettre hors de toi.
Tu t'approchais doucement avant de te planter devant lui, à quelques centimètres de son visage. Tu ne bougeais pas, tu étais en colère et tu te faisais plaisir pour le laisser paraître – suffisamment pour lui envoyer de très mauvaises ondes. Tu sortais une liasse de quelques billets de ta poche. « C'est ça que tu veux ? » Lançais-tu comme tu l'aurais fait à un chien. Tu lâchais le tout au sol, devant ses pieds. « Bah alors, ramasse. »

Tu avais cédé, au final. Mais tu ne pouvais pas te permettre de le laisser reprendre la marchandise alors que tu avais les moyens de payer la livraison ni même d'appeler les vigiles. C'était la solution la plus lâche qu'il soit et celle qui coûtait sans doute le plus à ton égo mais tu n'avais pas eu le choix.
Tu glissais les mains dans tes poches avant de poser ton pied sur l'argent, tu le piétinais, le salissais, à l'image de la qualité des services dudit Tobias.

« Hm ? »

Quelque part, tu avais la sensation que tu venais de lancer une sorte de bataille malsaine envers ce type.

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musique – Tu l'avais pensé plus idiot que cela, plus naïf. Tu avais cette fâcheuse tendance à sous-estimer les autres, la preuve encore aujourd'hui. Tobias avait laissé tomber un des précieux paquets de cocaïne sous son pied, et en jouait. La colère bouillonnait en toi, tu n'étais pas habitué à la contenir même si tu avais su passer outre de nombreuses frustrations tout au long de ta vie professionnelle et familiale. Tu étais un gamin capricieux et dès qu'on te privait de quelque chose, tu devenais fou de rage. Tu serrais les poings un peu plus fort et tu étais le seul d'entre vous à déjà craquer. De son côté, le jeune Valkyrie semblait détendu et amusé, il prenait la situation comme un jeu. La plupart du temps, tu gagnais assez rapidement et le fait de voir quelqu'un te tenir tête était peu commun.
Son pied frôlait le tien et, en temps normal, tu te serais permis de le retirer en lançant un regard noir mais tu supposais qu'il ne pouvait pas être aussi sombre qu'il l'est à présent. Tu ne bougeais pas, tu étais statique.
Et puis...

Tu l'avais attrapé par le col, repoussé jusqu'à la balustrade avant de le pencher au dessus du vide. Tu appuyais un peu plus sur son torse pour qu'il se torde totalement tout en appuyant ta cuisse contre la sienne pour s'assurer qu'il ne tombe pas – pas tout de suite.

« Tu sais ce que c'est l'avantage des riches, gamin ? Soufflais-tu entre tes dents. C'est que je peux te tuer sans avoir à me cacher parce qu'il suffit de quelques liasses de billets pour faire taire tout un gouvernement. »

Ses cheveux bruns virevoltaient. Le vent était doux pour un hiver et l'on distinguait à peine les quelques véhicules volant quelques mètres plus bas. La chute serait mortelle. Le Romanov Hotel disposait de plus de soixante étages. Et nous étions au soixantième. « J'ai vu que tu savais voler mais que l'atterrissage c'était pas ton fort.. tu le tirais vers toi et continuais ; Un coup derrière la tête et tout est fini. Alors sois obéissant et ramasse-moi tout ça. »

Tu n'étais pas prêt de lâcher l'affaire.

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seele – La chute t'avait semblé interminable ; le début de la fin.
Tu n'avais ni bougé, ni crié. Tu sentais tes derniers instants filer entre tes doigts comme du sable. L'air semblait vous engouffrer, la nuit vous dévorait et les lumières vous aveuglaient. Haha. C'était tellement con, la vie ne tenait qu'à un fil et tu venais de le réaliser. C'était trop tard ?
Non.
Tu pouvais sentir des impulsions venir de Tobias qui vous remontaient brusquement jusqu'en haut de ton perchoir et la seconde qui suivait, tout était bleu.

Il t'avait fallu quelques secondes pour faire le tri dans ta tête, comprendre ce qui venait de se passer et où tu te trouvais. Tu avais envie d'exploser de rire. T'avais l'air d'un fou mais tu étais avant tout enragé comme un fauve. Au moment où tu remontais jusqu'à la surface, ton regard se tenait vers le garçon qui avait voulu jouer avec ta vie. Tes yeux étaient durs, tes vêtements et tes cheveux dégoulinaient. Ton maquillage coulait et des traces noires s'étalaient sous tes yeux. Tu étais essoufflé, énervé, et ça ne voyait un peu plus maintenant. Ta cage thoracique se gonflait et se dégonflait à vitesse grand V. Tu n'avais jamais eu autant envie de noyer quelqu'un que maintenant.
Dans le fond, qu'est-ce qui t'en empêchait ?

Tu t'approchais de lui les poings serrés mais dès l'instant où tu te retrouvais au plus près, tu n'avais fait que le gifler. Le genre de gifle un peu assourdissante qu'on donne aux enfants pour les punir. Tu te savais immature, mais Tobias venait de battre des records. Tu le laissais seul un instant face à cette trace rougeâtre qui se dessinait sur sa pommette et le son de l'impact qui résonnait encore au sommet d'Equilibrium. Pourtant, tu n'avais rien ajouté. Tu l'avais juste défié du regard avec hargne et tu étais sorti de l'eau en abandonnant ta veste sur le sol et déboutonnait ta chemise : tu ne supportais pas la sensation des vêtements trempés qui collaient à la peau.
Tu avais perdu, quelque part : tu ramassais le paquet qu'il t'avait pris et en ouvrait le contenu. Une matière poudreuse commençait à sortir. Tu plaquais ton nez contre celle-ci et l'aspirait d'une traite avant de grimacer. Tu nettoyais ton nez et balançait le tout sur le lit de ta chambre avant de revenir vers Tobias. Tu t'accroupissais au bord de la piscine.

« Tu viens de faire une grosse, grosse erreur. »

Murmurais-tu en le regardant sérieusement.

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